Des promesses…
C’est la faute à David.
Promesse : je voulais vraiment vous raconter comment je glissais tel un félin sur les toits en terrasse pour pénétrer clandestinement dans mon établissement préféré… Comment du local technique je me faufilais tel un serpent dans les gaines de la climatisation, comment je gazais ces braves gars de la sécurité, et comment je me laissais tomber gracieusement, tel un singe capucin.. Oui, bande de sapajous, un capucin ! Quoi ? C’est un peu ridicule ? Peut-être, mais ça fait ça impeccablement, choir, alors, donc, comment je chus tel un svelte capucin sur le sol du local de vidéo surveillance…. Et comment… Comment je suis resté là deux ou trois ans à chercher les bouts de vidéos qui auraient pu, hypothétiquement, m’intéresser…
Mais voilà, David a semé le doute. Il à suspicionné malicieusement. Il a tranquillement sous-entendu que je racontais des craques. Alors, oui, c’est vrai, le coup du monte-en-l’air dans sa sombre combinaison technique incroyablement souple et isolante, c’est rien que des craques…
Dans la réalité, ça ne s’est pas passé comme ça. Pas glorieux, pas sexy :
D’abord, je suis pote avec la direction. Ils m’ont à la bonne, tant que c’est pas simple de partir quand je veux partir… Quand je sors de la chambre, je dois passer derrière le décor kitch et traverser l’administration pour aller jusqu’au bureau du directeur qui tient absolument à partager un cordial avec moi, si bon client étranger, un cordial qui me coupe les jambes avant l’ascension. Et je dois me taper sa conversation. Mais voilà, ainsi, je connais les lieux, je connais les employés, je connais la comptable par exemple… Et personne ne s’alarme quand on cause technique, que j’apprends de leur bouche même comment ils gèrent les archives vidéos, quel service de Cloud ils emploient, et un jour, je vois, sur un écran, le registre des allées et venues des clients… Et voilà les deux choses dont j’ai besoin : savoir quand est venu celui qui m’intéresse et avoir accès aux archives vidéos en sachant exactement ce que je cherche : date, heure, et chambre. Inutile de forcer le toit ou une fenêtre et de tuer la moitié du personnel. Copier le registre fut un jeu d’enfant, et ensuite… ensuite le piratage du service de Cloud, l’enfance de l’art, de chez moi, tranquille (oui vous découvrez ainsi que je suis plutôt connecté, dans ma lamaserie. Je vous avais dit que je noyais le poisson !). Donc, mission en pantoufle. Le plus dur aura été d’absorber l’alcool préféré du directeur et de rire à ses blagues.
Et comme on regarde la TV dans son fauteuil, je trouve les enregistrements des visites de Chang… Et rapidement, je vois Chang entrer dans l’une de ces chambres sordides à la suite de deux jeunes corps athlétiques. Je vérifie qu’il y a le son… ils sont vraiment impeccablement équipés…
Voyez, j’aurais pu inventer, vous embarquer loin dans l’aventure, me fantasmer des combats épiques. Mais non, rien, juste la vérité, la plate vérité !
L’aventure ?
L’aventure, c’est déjà rentrer chez moi vivant, grimper les sentiers érodés, affronter la montagne, le vent, le froid, la solitude et mes fantômes…
L’aventure, c’est répondre à la déviance étrange de ma libido d’altitude, c’est enfin suivre la piste olfactive du peuple de la montagne…

Alain François est né en 1965. Plasticien (DNSEP obtenu à l’EESI en1992), il va se consacrer une dizaine d’années à la peinture et aux micro-publications avant de passer quinze ans dans la communication institutionnelle. Parallèlement à cette carrière très sérieuse, il écrit. En particulier un blog intimiste, dont les années 2006 et 2007 ont été éditées aux éditions publie.net en 2011.
De 1999 à 2006, il va fonder et animer plusieurs sites internet collectifs, tels que bonobo.net (galerie en ligne), leportillon.com (collectif d’artistes), bonobocomix.com, un éphémère journal de Web-BD, mais aussi créer les premiers sites des éditions ego comme x et de l’An 2.
En 2006, il reprend ses études universitaires et obtient un Master recherche Arts numériques. Depuis, il publie des articles scientifiques dans le cadre du Laboratoire d’Histoire visuelle contemporaine de l’EHESS et scénarise deux projets de bande dessinée avec Elric Dufau et Marine Blandin.
En novembre 2012, Il commence un journal photographique en ligne, projet d’art social au long cours exclusivement réalisé avec un smartphone, qui constitue au fil du temps l’album de la communauté des auteurs de bande dessinée à Angoulême.